La GT-R 2017: facelift de surface ou changement de substance ?
Beaucoup de choses ont été dites ou écrites au sujet de la Nissan GT-R R35. Portée aux nues par certains, ses temps tonitruants sur la Nordschleife, sa sophistication technique et son tarif attractif devaient l’installer comme un leader évident des coupés GT. Des volumes de vente obstinément confidentiels leur ont donné tort. Vouée aux gémonies par d’autres comme une vulgaire playstation à quatre roues, facile, aseptisée et intrinsèquement inintéressante, notre essai de la version 2014 arrivait à des conclusions diamétralement opposées. Une voiture brute, performante mais exigeante.
En mars 2016, Nissan annonce pour l’année modèle 2017 un facelift dont la substance est surtout cosmétique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. J’espérais une voiture couleur Katsura Orange, la livrée de lancement de cette mise-à-jour, mais notre voiture d’essai nous est livrée dans le plus discret Gun Metallic, une discrétion qui reste une notion très relative en ce qui concerne la GT-R. Le gabarit est imposant, les volumes formidables, les lignes abruptes. Les retouches esthétiques sont faciles à repérer en comparaison directe, mais l’identité visuelle demeure fidèle au concept initial.
Les performances revendiquées pour le V6 biturbo ont beaucoup évolué depuis le lancement de la GT-R en 2008. De 587 Nm et 480 chevaux à sa sortie, il atteint maintenant 637 Nm entre 3600 et 5800 t/min, et 570 chevaux à 6800 t/min, toujours à la condition de gaver le VR38DETT avec du super sans plomb ROZ 100. La progression par rapport à la version 2014 (632 Nm entre 3200 et 5800 t/min, et 550 chevaux à 6400 t/min) reste symbolique.
Il en va malheureusement de même de l’intérieur. Sans sellerie en couleur contrastée, les différences ne sont pas flagrantes. On peut faire l’inventaire des différences dans l’intégration des différents éléments, mais les ingrédients essentiels n’ont pas évolué. Ce sont les mêmes instruments, le même ordinateur de bord, le même levier de sélection. A choisir, le nouvel agencement est plus attrayant, plus ergonomique aussi, mais il ne révolutionne pas la vie à bord de la GT-R. Bonne nouvelle, le poids n’évolue pas significativement: notre 2017 pèse 1764 kg (53.9% AV 46.1% AR) comparé aux 1785 kg de “notre” 2014. La répartition est très proche des 54/46% revendiqués par Nissan comme idéale pour obtenir 50:50 une fois la voiture en charge après la corde.
Au volant, il me faut un peu de temps pour me réadapter à la GT-R. La boîte 6 est toujours autant bourrue à froid, les bruits de transmission et de volant moteur en manœuvre obstinément sinistres, la position de conduite est toujours aussi atypiquement haute pour une sportive (la GT-R mesure 1370 mm en hauteur, soit 7 cm de plus qu’une 911), mais c’est surtout le tramlining qui me frappe le plus. Sur les artères de la périphérie est de Zürich ou se trouve un des rares centres GT-R de Suisse, il faut tenir la voiture pour l’empêcher de darder au gré des inégalités.
Fort heureusement la voiture est plus reposante sur autoroute. En roulant cool et en montant les rapports à bas régime, la boîte 6 exécute les changements de rapport avec une lenteur atypique, comme si la logique de pré-sélection se refusait à envisager tout autre scénario qu’un rétrogradage pour placer une accélération saignante à la première ouverture dans le trafic. En mode confort, la suspension est relativement souple, avec des mouvements de caisse longitudinaux. La GT-R tire court, 3000 t/min à 140 km/h, ce qui n’aide pas la conso sur longue distance mais procure des reprises incisives à la moindre sollicitation, accompagnées par le feulement rond du V6. On est très loin des surmultipliées d’autres GTs. L’invitation à la conduite sportive est lancinante.
Pour me mettre en appétit, je monte au col du Susten un soir de semaine, histoire de ne pas manquer une des dernières opportunités de communier avec cette trinité alpine bénie par une divinité sans nul doute païenne: les cimes saupoudrées de blanc, l’asphalte sinueux et une robuste assiette de Hasli Rösti. Sorti des galeries de Wassen, les premières accélérations sont un rappel éclatant de la gnaque de la GT-R. Ca pousse très fort, avec une bande son magnifique, ronde et pleine à pleine charge, un rien gargarisante sur un filet de gaz, comme si le V6 biturbo cherchait à se débarrasser d’un chat arc-bouté dans les tréfonds de sa plomberie, quelque part entre un des turbos et les marmites.
La température est fraiche pour les Dunlop SP Sport Maxx et les réactions de la suspension assez sèches pour imposer une marge de sécurité importante. Sur les compressions et les cassures, les pertes d’adhérence sont brutales et affolent le contrôle de stabilité. La GT-R vit la route dans ses moindres aspérités, et n’a rien perdu de ce côté nerveux qui m’avait surpris lors de mon essai précédent. Une séance de photos au coucher du soleil me permet de faire de multiples passage sur le même segment, réduisant à chaque fois un peu la marge en puisant un peu plus dans l’énorme potentiel de la GT-R.
Utilisée au quotidien, la GT-R reste étonnamment docile. L’amortissement en mode confort est magnanime, au point d’autoriser des oscillations longitudinales sur le mode cheval à bascule. Même la consommation reste presque raisonnable, tombant sous les 13 litres en conduite calme. Le coffre de 315 litres est utilisable mais les places arrière sont symboliques, peu recommandables aux claustrophobes.
Deuxième acte, le col du Mollendruz dans le Jura vaudois. Rapide mais rythmé, bien revêtu mais marqué par quelques compressions stratégiques, c’est un excellent juge de paix pour l’équilibre intrinsèque et les réactions aux changements d’appuis et transferts de masse. Dans les virages plus serrés, il faut avoir la patience de bien inscrire le train avant, et les sorties restent délicates. Lorsque le couple déboule, la suspension arrière se fige et les dérobades du train arrière sont brutales, n’incitant guère à sélectionner les réglages plus radicaux du contrôle de stabilité VDC.
L’ensemble moteur-boîte reste très convaincant en conduite sportive. Maintenu dans la moitié supérieure de sa plage de régimes, le V6 biturbo procure des accélérations balistiques à la moindre opportunité d’ouvrir en grand. Malgré son âge respectable (la GT-R est en production depuis 10 ans), la boîte 6 est redoutable d’efficacité, rapide et précise dans son exécution. Les palettes sont désormais solidaires du volant au lieu d’être montées sur la colonne de direction. J’avais émis des réserves sur le système de freinage lors de mon essai de la version 2014, je n’ai pas eu le même ressenti sur cet exemplaire. Ou du moins, mon attention a été plus occupée par les réactions des Dunlop Sport Maxx et du châssis à la limite d’adhérence que par les freins.
Troisième acte, les cols du Grimsel et la Furka. La GT-R a hérité du rôle de voiture suiveuse de luxe pour notre essai de l’Aston Martin DB11. Les deux autos ne sont pas vouées à une comparaison directe, mais la motricité un peu délicate de l’anglaise fournit un contraste saisissant avec le comportement à la fois plus brut et plus efficace de la japonaise. Parfaitement revêtu, le tracé du Grimsel est un terrain sur lequel la GT-R brille par son efficacité et ses performances. La mise en vitesse à chaque sortie de courbe est féroce, les aptitudes de cette auto à avaler les enchaînements rapides tout comme les virages plus lents est formidable, captivante.
Ce facelift du millésime 2017 n’amène pas de changements majeurs à la GT-R. Les retouches esthétiques restent secondaires, et l’évolution du design intérieur est positive dans ses détails mais ne change pas radicalement l’expérience à bord. L’évolution des performances du moteur est symbolique et n’amène pas de changement notable dans les performances ressenties. Nissan n’a d’ailleurs pas cherché – ou en tous cas n’est pas parvenu – à améliorer son temps de référence sur la Nordschleife, 7’08”68 réalisé en 2013 déjà avec une GT-R Nismo équipée du pack N-Attack. La version Nismo (652 Nm / 600 ch) reste disponible au catalogue au tarif de 209’000 CHF, mais pas le pack en question.
Combien de temps la GT-R restera-t-elle encore en production ? Difficile de le dire, mais si sa remplaçante est en gestation et a été bénie par les instances dirigeantes de l’Alliance Renault Nissan, il est peu probable qu’elle voie le jour avant la fin de la décennie. Dans l’intervalle, la GT-R R35 reste égale à elle-même, trublionne légendaire, atypique et exigeante, à un tarif toujours aussi abordable en regard de ses performances.
Prix et options du véhicule essayé
Nissan GT-R | CHF 119’900 | € 99’911 |
Prestige Edition | CHF 6’000 | € 3’989 |
Peinture Gunmetal | CHF 1’250 | € 1’000 |
Total | CHF 127’150 | € 104’000 |
Données techniques – face à la concurrence
Nissan GT-R | Corvette C7 Z06 | Porsche 991 Turbo | |
Moteur | V6 3799 cm3 biturbo | V8 6162 cm3 compresseur | B6 3800 cm3 biturbo |
Puissance (ch / t/min) | 570 / 6800 | 659 / N.C. | 540 / 6400 |
Couple (Nm / tr/min) | 637 / 3600-5800 | 881 / 3600 | 710 / 2250-4000 |
Transmission | 4×4 ATTESA E-TS | AR | 4 RM |
Boite à vitesses | GR6 double embrayage | Man 7 / Auto 8 | PDK 7 rapports |
RPP (kg/ch) | 3.09 | (2.52) | (2.95) |
Poids DIN (constr.) | 1764 (1745) 53.9% AV 46.1% AR |
(1659) | (1595) |
0-100 km/h (sec.) | 2.8 | 3.8 / 3.7 | 3.0 |
Vitesse max. (km/h) | 315 | 315 / 310 | 320 |
Conso. Mixte (constr.) | 14.00 (11.8) | (12.7) | (9.1) |
Réservoir (l) | 74 | 70 | 68 |
Emissions CO2 (g/km) | 275 | 291 | 212 |
Longueur (mm) | 4690 | 4514 | 4507 |
Largeur (mm) | 1895 | 1965 | 1880/1978 |
Hauteur (mm) | 1370 | 1239 | 1297 |
Empattement (mm) | 2780 | 2710 | 2450 |
Coffre (L) | 315 | N.C. | 115 |
Pneumatiques AV | 255/40ZRF20 97Y | 285/30R19 | 245/35 ZR 20 |
Pneumatiques AR | 285/35 ZRF20 100Y | 335/25R20 | 305/30 ZR 20 |
Prix de base (CHF) | 119’900 | 130’880 | 211’900 |
Prix de base (EUR) | 99’911 | 121’750 | 179’975 |
Nos remerciements à Nissan Suisse pour le prêt de cette Nissan GT-R.
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