La division Polestar encanaille la Volvo V60: une alternative aux breaks sportifs allemands ?
Polestar. Sans surprise pour une marque scandinave, l’étymologie vient de l’étoile polaire et des confins nordiques de la Suède, mais joue aussi sur la course, la pole position et la “star de la course”. La division performance de Volvo n’est pas une créature artificielle. Elle trouve ses racines dans le team Flash Engineering fondé en 1996 pour écumer les championnats de tourisme, notamment avec des 850 Super Touring. Des applications en série n’apparaissent qu’en 2013 avec un test prudent sur le seul marché australien avec 100 exemplaires, suivi par une extension tout aussi prudente à 7 pays dès juin 2014: le Canada, les Pays-Bas, le Japon, la Suède, le Royaume Uni, les Etats-Unis et la Suisse. Les helvètes sont friands de 4×4, le marché suisse compte la plus forte pénétration d’intégrales en Europe et les ventes d’intégrales ne cessent d’augmenter. La recette devrait plaire: berline et (surtout) break, motorisation puissante et quatre roues motrices.
Cette V60 Polestar est construite sur le facelift de la V60, lancée en 2011 et raffraîchie en 2014. En comparaison avec la T6 AWD essayée en 2011, la face avant a été redessinée, les instruments remplacés par un écran LCD similaire à celui utilisé dans la V40. La version Polestar reçoit cependant de nombreuses modifications. La caisse est rigidifiée pour encaisser des ressorts 80% plus fermes. Les amortisseurs sont remplacés par des Öhlins et les roues passent en 20”. Les freins sont également revus avec des disques ventilés de 371 mm pincés par des étriers Brembo à 6 pistons. Sous le capot, le six cylindres en ligne transversal de la T6 reçoit un nouveu turbo TwinScroll, un nouvel échangeur et une ligne en acier inoxydable, avec pour résultat une puissance maxi de 350 ch à 5700 t/min et un couple maxi de 500 Nm dès 2800 t/min, soit un gain appréciable par rapport aux 304 ch à 5600 t/min et 440 Nm à 2100 t/min de la T6, même si ces chiffres trahissent l’adoption d’un gros turbo.
La transmission est confiée à une boîte automatique à 6 rapports avec palettes au volant d’origine Aisin. La boîte à 8 rapports proposée sur les T5 et T6 traction n’est pas disponible. Le couple est envoyé vers les roues par un système intégral avec différentiel central de type Haldex. Les performances annoncées sont un 0-100 km/h en 4.9 secondes (5.0 pour le break) et une vitesse de pointe de 250 km/h. Tout ceci parait gouleyant sur le papier, mais c’est sans comparaison avec la claque visuelle que donne cette V60 dans sa robe de lancement. Plantée sur ses grosses jantes et rhabillée avec des boucliers plus agressifs, le traitement Polestar amène un complément sportif à la ligne par ailleurs élégante de la V60.
L’ouverture de la porte dévoile un intérieur qui mêle cuir, alcantara et des coutures contrastées bleues. On retrouve des applications d’alcantara sur les contre portes, l’accoudoir et l’intérieur de la jante du volant. A froid, le 6 cylindres en ligne se met en marche sur un ralenti empressé. Le timbre de la ligne d’échappement est aussi présent que plaisant, une note sportive mais pas vulgaire. Dès les premiers mètres, la fermeté du tarage des ressorts (62 N/mm à l’avant, 72 N/mm à l’arrière) et de l’amortissement est immédiatement perceptible, les suédois n’ont pas fait dans la demi-mesure en appliquant le traitement Polestar. Ce trait à lui seul laisse entrevoir une personnalité bien plus affirmée qu’un simple traitement esthétique épicé d’une cartographie moteur. Cette fermeté contraste avec le comportement spongieux de la boîte automatique. Les rapports sont longs (2700 t/min à 150 km/h indiqués) et le convertisseur de couple donne rarement l’impression de se verrouiller sur les premiers intermédiaires. Les longs patinages à l’ancienne ont peu en commun avec les prestations des boîtes à 8 rapports modernes. Sur autoroute, la boîte descend en cinquième assez fréquemment, que ce soit sous un léger mouvement du pied droit ou si le régime tombe trop bas (1800 t/min à 100 km/h).
En basculant le levier sur la gauche, la Polestar passe en mode S, ce qui veut dire des lois de changements de rapport plus agressives, ou un mode manuel permanent si l’on fait usage des palettes. La sonorité à l’échappement gagne encore en volume, et les verrouillages du convertisseur de couple peuvent être aussi brutaux qu’ils sont spongieux en mode normal. En particulier le passage de 2 à 3 à pleine charge, particulièrement viril. Au rétrogradage, de timides tentatives d’égalisation du régime sont perceptibles, mais elles échouent dans leur entreprise d’éviter un à-coup. Le rendu est loin du pinacle des meilleures unités à double embrayage ou convertisseur de couple du marché.
Aussi critiquable qu’elle soit, la boîte 6 de la Polestar camoufle efficacement le manque de couple du six en ligne à très bas régime, le maintenant dans une plage de fonctionnement bien adaptée à ses caractéristiques. Les relances sont efficaces, pêchues, tout comme les accélérations, le tout accompagné de cette bande son attractive. Sans trébucher dans le “too much”, les piétons se retournent en entendant cette Volvo, et la couleur les incite à maintenir leur regard sur l’auto alors que leur cerveau tente de corréler les informations auditives et visuelles avec l’image qu’ils ont de la sage marque suédoise.
C’est en laissant les passants tranquilles pour aller divertir modzons et campagnols que la Polestar trouve sa cohérence. La fermeté des ressorts et des amortisseurs Ohlins prend son sens en conduite sportive car elle contient les mouvements de caisse de manière efficace. L’ensemble se révèle rigoureux, avec une caisse rigide et des guidages précis qui permettent d’enchaîner les appuis sans avoir l’impression de torturer l’auto. Roulis contenu, absence de pompage, il n’y a guère que la direction aux abonnés absents qui ternit un peu le tableau. Le tarage (réglable) et le rapport sont adéquats, mais le filtrage des informations remontant du train avant est trop prononcé. Un train avant qui doit assumer à lui seul 1080 des 1796kg que pèse cette V60. Le comportement est difficile à cerner à la limite, un sous-virage contenu des Conti Sport Contact rendant les armes. Le train arrière est, lui, imperturbable, rivé au bitume, même lorsqu’on lève brutalement le pied. La motricité est irréprochable et le système AWD complètement transparent dans sa gestion du couple entre les deux trains. Le freinage, puissant, ne suscite pas de commentaire particulier, hormis le fait que les disques de notre voiture d’essai étaient voilés, ce qu’on leur pardonne après plus de 25’000km aux mains de la presse.
Le poids agit sans doute comme édulcorant des performances moteur. Entre des rapports de boîte longs et ces presque 1800kg, la Polestar ne donne pas l’impression de disposer des 500 Nm revendiqués sur la fiche technique. Ca pousse, certes, et ça chante également, un beau mélange entre l’élégance naturelle des harmoniques du six en ligne, et la rondeur d’une ligne qui le laisse respirer. Même si la puissance maxi est atteinte dès 5250 t/min, le T6 Polestar démontre une belle allonge, prenant des tours sans fléchir jusqu’au rupteur. A haut régime, le chuintement de la suralimentation vient s’ajouter au son de la ligne inox et prend un peu le dessus. Ce n’est pas le crescendo idéal, mais la Polestar a un tel charme sonore aux régimes usuels qu’on le lui pardonne.
Le charisme ne s’explique pas, et cette Volvo en a. Le caractère entier de cette auto rend difficile la rationalisation de la balance entre ses qualités et défauts objectifs. Ce qui amène à considérer l’auto avec plus de sérieux qu’une simple curiosité iconoclaste. La V60 Polestar comme alternative crédible à une Audi S4 Avant, une BMW 335ixDrive Touring ou la toute nouvelle C 450 AMG 4Matic ? Examinons.
La V60 est contemporaine de la série 3 F30(2011), plus jeune que la S4 (2009) alors que la classe C est la plus récente. Remise au goût du jour avec son nouveau combiné d’instruments digitaux et son interface multimédia complète. Pas de molette de navigation centralisée, il faut jongler avec deux molettes et 4 boutons, mais on s’y fait avec l’habitude. Le pavé numérique pour composer un no de téléphone est très pratique. Si l’on fait abstraction de la texture de la planche de bord, la finition et le choix des matériaux est acceptable. A l’arrière, les places surélevées sont habitables pour un adulte, ménageant assez de place tant aux genoux qu’au crâne. Je pestais il y a 4 ans sur le manque de place à l’arrière d’un break de 4.64m, mais c’est un problème généralisé dans la production automobile actuelle.
Volvo oblige, la Polestar propose une foison de systèmes de sécurité: avertissement de franchissement de ligne, BLIS pour les angles morts, radar d’avertissement d’obstacles et freinage d’urgence pour protéger les piétons (notamment). Ce dernier est très chatouilleux et peut déclencher son alerte visuelle et sonore à l’approche d’un petit giratoire ou en rattrapant une voiture avec un différentiel de vitesse important. Le BLIS génère souvent de fausses alertes, mais c’est la seule stratégie viable pour un tel système: être sensible pour ne jamais manquer de donner une vraie alerte d’angle mort risquant de causer un accident. La détection de franchissement de ligne donne un avertissement sonore moins intrusif que les systèmes faisant vibrer le siège ou la colonne de direction, mais ne présente pas d’intérêt particulier à moins d’être prompt à la somnolence, auquel cas on ne devrait pas conduire de toute manière. Effet de bord bénéfique de cette armada de caméras: le système de reconnaissance des panneaux fonctionne très bien, il est vraiment appréciable d’avoir un rappel de la limitation en vigueur affiché en permanence.
Le tarif de 85’000 CHF peut être trompeur car l’équipement Polestar est extrêmement complet en comparaison avec la stratégie d’équipement à options des allemandes. Caméra de recul, volant et sièges AV/AR chauffants, Keyless, sièges sport électriques, navigation, audio Harman Kardon, tout est compris. Les options intéressantes se limitent au toit ouvrant en verre (CHF 1’350), les vitres arrière fumées (675 CHF), la réception TV en TNT/DVB-T (CHF 1’250), la réception radio DAB+ (CHF 540). Une belle Polestar est donc disponible sans n’avoir à spécifier aucune option. Raffraichissant ! Reste qu’aux prix de base d’une BMW 335i xDrive Touring, les 21’900 CHF d’écart offrent un budget d’options généreux avant d’égaler la Polestar. Dans le registre des hydrocarbures, nous avons mesuré 12.15 L/100km pour 11.1 L/100km affichés par l’ordinateur de bord. Descendre sous les 10 L/100km sur trajet autoroutier ne représente pas de challenge particulier.
Imparfaite, cette Polestar l’est, mais il suffit d’un regard pour le break Rebel Blue scintillant au soleil ou de se laisser enchanter par la mélodie de la ligne inox pour que le charme opère. Le choix d’une voiture ne peut pas toujours être guidé par la raison, sinon nous roulerions tous en compactes ou monospaces turbodiesel.
Prix et options du véhicule essayé
Volvo V60 Polestar | CHF 85’000 | |
Télématique Volvo On Call | CHF 980 | |
Vitres assombries | CHF 675 | |
Réception radio DAB+ | CHF 540 | |
Pare-brise chauffant | CHF 250 | |
Télécommande | CHF 100 | |
ISOFIX sur siège passager | CHF 15 | |
Total | CHF 87’560 |
Face à la concurrence
Volvo V60 Polestar | Audi S4 Avant 3.0 TFSI | BMW 335i xDrive Touring | Mercedes C450 AMG 4Matic | |
Moteur | L6 turbo 2953 cm3 | V6 compresseur 2995 cm3 | L6 turbo 2979 cm3 | V6 turbo 2996 cm3 |
Puissance (ch / t/min) | 350 / 5250 | 333 / 5500-6500 | 306 / 5800-6000 | 367 / 5500-6000 |
Couple (Nm / tr/min) | 500 / 3000-4750 | 440 / 2900-5300 | 400 / 1200-5000 | 520 / 2000-4200 |
Transmission | 4 RM | Quattro | xDrive | 4 Matic |
Boite à vitesses | 6, automatique | 7, S-Tronic | 8, Steptronic | 7G-TRONIC PLUS |
RPP (kg/ch) | 5.13 (4.92) | (5.25) | (5.41) | (4.52) |
Poids DIN (constr.) | 1796 (1725) 60.3% AV 39.7% AR |
(1750) | (1655) | (1660) |
0-100 km/h (sec.) | 5.0 | 5.1 | 5.1 | N.C. |
Vitesse max. (km/h) | 250 | 250 | 250 | 250 |
Conso. Mixte (constr.) | 12.15 (10.2) | (7.8) | (7.9) | (7.9) |
Emissions CO2 (g/km) | 237 | 180 | 184 | 185 |
Réservoir (l) | 67.5 | 61 | 60 | 66 |
Longueur (mm) | 4635 | 4717 | 4624 | 4702 |
Largeur (mm) | 1865/2097 | 1826/2040 | 1811/2031 | 1810/2020 |
Hauteur (mm) | 1484 | 1415 | 1429 | 1457 |
Empattement (mm) | 2776 | 2811 | 2810 | 2840 |
Coffre (L) | 430/1241 | 490/1430 | 495/1500 | 490-1510 |
Pneumatiques AV | 245/35ZR20 | 245/40R18 | 225/50R17 | 225/45ZR18 |
Pneumatiques AR | 245/35ZR20 | 245/40R18 | 225/50R17 | 245/40ZR18 |
Prix de base (CHF) | 85’000 | 80’350 | 63’100 | 79’300 |
Prix de base (EUR) | N.C. | N.C. | 52’500 | 67’250 |
Nos remerciements à Volvo Suisse pour le prêt de cette V60 Polestar.
Galerie de photos
Liens
Le sujet du forum – les articles Volvo – la liste alphabétique des essais – les essais récents ou relatifs: