La Nissan GT-R millésime 2014 à l’épreuve des alpes, des villes et des campagnes.
Les Nissan GT-R ne datent pas d’hier ou même d’avant hier, mais jusqu’à la R34, de rares voitures en conduite à gauche, importées individuellement et immatriculées à grand peine faisait des GT-R des curiosités exotiques. La première version est lancée par Nissan en 1969 en berline puis en coupé, suivie d’une deuxième version en 1973, quasiment mort née du fait de la crise pétrolière. S’en suit un long hiatus jusqu’en 1989 où apparaît la R32, un coupé à 3 volumes avec moteur avant et, déjà, transmission intégrale. La R33 reprend le flambeau en 1995, toujours équipée du même six cylindres en ligne turbocompressé de 2.6L. La cinquième génération apparaît en 1999 pour 3 courtes années avant une nouvelle interruption commerciale. S’entame alors la gestation de la GT-R R35, désormais dissociée de l’appellation Skyline, débouchant sur une présentation au salon de Tokyo 2007.
Nissan est resté fidèle à la recette, avec un coupé à moteur avant et quatre roues motrices, mais le six cylindres en ligne a été remplacé par un V6, lui aussi suralimenté. La commercialisation généralisée de la R35 en 2008 déclenche un énorme buzz parmi les amateurs de sportives, amplifié par la notoriété de Gran Turismo 5 sur Playstation et les temps canons annoncés par Nissan sur la Nordschleife. Arme ultime pour certains, auto facile et sans âme pour d’autres, les polémiques animent nombre de discussions de bars et de forums. Le verdict commercial est, lui, plus clair, avec des ventes moins flatteuses que le rapport performance prix tonitruant de la GT-R ne pourrait le laisser supposer. Sur le marché helvétique, les ventes resteront confidentielles:
Plus significatif, le constat est encore criant sur le marché américain où les ventes GT-R demeurent confidentielles depuis son lancement commercial en juillet 2008:
Commercialement, le juri ultime, le seul qui compte – la clientèle ! – a déjà rendu un verdict implacable. Reste à comprendre si le produit le mérite ou pas.
En ramenant cette GT-R du centre Nissan de Zurich Affoltern (il n’y a que deux centres certifiés GT-R High Performance en Suisse – Meyrin et Zürich, cinq en France, deux en Belgique également), je pondère les enjeux de cet essai. Cette auto serait presque intimidante par son caractère polarisant. Un animal mythique à laquelle certains prêtent des pouvoirs surnaturels et d’autres honnissent comme symbole des pires villainies. La Bête du Gévaudan de l’automobile moderne.
Nissan dit avoir travaillé pour le millésime 2014 sur la qualité de l’amortissement secondaire sur autoroute, et le résultat semble très réussi, avec ce voile de souplesse qui procure le minimum d’isolation nécessaire à une conduite sereine sur longue distance. La direction parait assez vive autour du point central, et un septième rapport serait bienvenu pour abaisser un peu le régime moteur. A 150 km/h de croisière, le compte tours affiche 3200 t/min et le bruit rond du V6 est présent, presque un peu trop. Je peaufine l’ajustement de ma position de conduite et m’acclimate au gabarit de l’engin. Tribut de sa rareté, la présence de la GT-R est remarquée, comme en témoignent plusieurs automobilistes qui déboîtent un peu trop brusquement dans mon sillage pour détailler la poupe monumentale sur quelques kilomètres. Mon essai est planifié en trois temps: les alpes pour poser les bases, le train-train quotidien puis quelques travaux pratiques dans le jura vaudois pour raffiner mes impressions.
Un Samedi d’Octobre
Cette matinée a un parfum de fin de saison. La rosée abondante brille sur les feuilles au soleil rasant, l’église d’Innetkirchen est encore dans l’ombre. Entre les derniers travaux routiers et une affluence de motards et de roadsters décidé à profiter de cette radieuse journée d’automne, il faut stratégiser les pauses photo ou intermèdes biologiques pour se ménager des tronçons clairs. Premier morceau de choix de notre programme, sa majesté le Grimsel. Si la GT-R doit se sentir à son aise sur un col alpin, ça doit au moins être celui-ci, parfaitement revêtu, sinueux mais roulant.
Le V6 biturbo a beaucoup évolué depuis le lancement de la GT-R en 2008. De 587 Nm et 480 chevaux à sa sortie, il atteint maintenant 632 Nm entre 3200 et 5800 t/min, et 550 chevaux à 6400 t/min, ce pour autant qu’on le biberonne avec du super sans plomb ROZ 100. Ces chiffres donnent quelques indices sur le comportement du VR38DETT. Il est aussi remarquablement souple que creux à très bas régime, acceptant (choisissant même si la boîte est en mode automatique) de fonctionner à 1500 t/min sur les 5 et 6ème rapports. Les reprises à ces régimes sont cependant inexistantes, c’est donc 2 ou 3 rapports qu’il faut tomber à la sortie de Guttannen pour rentrer dans le gras de la courbe de couple. Et là, pas de déception, l’accélération est massive, balistique, propulsant la GT-R de virage en virage. Le poids conséquent (1785kg vérifiés avec le réservoir plein) dilue cependant l’effet du couple abondant, et, bien que considérables, les vitesses atteintes entre deux virages ne sont pas comparables avec le gotha des GTs. L’aspect à la fois ludique et efficace d’un moteur coupleux est bien présent, et l’ensemble demeure exploitable sans risquer le bagne à chaque enfilade rapide.
A l’entame du deuxième mur du Grimsel, le trait s’affine. Il faut s’occuper de ce moteur et ne pas hésiter à jouer de la boîte 6 pour contenir le temps de réponse. En sortie d’épingle au-dessus de 3500 t/min, il est minimal. Si on a la complaisance de tomber sous les 3000 t/min, le lag casse le rythme. Fort heureusement, la boîte fonctionne à satisfaction dans ces conditions. Les palettes solidaires de la colonne de direction, à la Ferrari, déclenchent des montées de rapport éclairs sans interruption de la poussée, et les rétrogradages sont fiables. Il n’est ni utile ni intéressant de tirer les intermédiaires au-delà de 6000 t/min, le V6 s’essoufle ensuite, ce qui laisse une plage de régime utile assez étroite.
Ma deuxième surprise provient de la direction. Sa vivacité autour du point central demande de l’attention, mais c’est surtout la copieuse propension de cette GT-R au tramlining qui domine. La voiture est distinctement sensible aux variations de courbure de la chaussée, dardant de gauche ou de droite en fonction des déformations. Difficile d’en diagnostiquer catégoriquement la cause, le carrossage avant n’y est probablement pas étranger. Cette nervosité n’atteint pas un seuil dérangeant, mais elle requiert attention. Hors tarmac parfait, il faut tenir l’auto.
La troisième surprise vient du train arrière. En intégrant virage après virage l’enveloppe de comportement de la GT-R ainsi que les réactions de ses Dunlop Sportmaxx, les vitesses de passage augmentent, et les réserves de grip en sortie diminuent d’autant. Et là, l’initiative vient clairement de la poupe. J’ai laissé les trois contacteurs de configuration de transmission, suspension et ESP dans leur mode Normal, et les dérobades sont donc contenues par des interventions impérieuses du contrôle de stabilité. Je ne m’attendais pas à une GT-R aussi vive du postérieur.
Ma pause traditionnelle au sommet du Grimsel prend donc la forme d’une épiphanie. Cette GT-R année modèle 2014 n’a rien d’une Playstationmobile, clinique et facile. Il faut s’en occuper, la cravacher, la tenir, en surveiller les réactions. Les détracteurs ont au moins tort sur un point, la GT-R est une sportive authentique, vivante et tout sauf ennuyeuse. Avec la fenêtre ouverte, elle a même un joli brin de voix lorsque les parois rocheuses amplifient le son émis par les quatre énormes sorties d’échappement. Reste à voir si les inconditionnels du modèle ont raison. Une pose devant le panorama du Totesee, puis une autre devant le massif de la Furka et ses successions de rectilignes et d’épingles, mais arrivé à Gletsch, je prend à droite pour une descente bucolique et verdoyante au fil du Rhône. Le col du Nufenen et son tracé étroit devrait être plus sélectif.
La montée depuis Ulrichen est tout d’abord relativement fluide mais je rattrape vite une Mitsubishi Evolution V qui pue les hydrocarbures gaspillés tout en gravissant les gradients prononcés à une allure modérée. Et là, malgré la formidable réserve de couple de la GT-R, je suis contraint de prendre mon mal en patience jusqu’au sommet. Ce ne sont pas les rectilignes qui manquent, mais tenter un dépassement sur une route aussi étroite entraînerait une prise de risque démesurée. La GT-R est visuellement imposante, volumineuse. Elle ne fait ‘que’ 4.67m de long, mais les 1895mm en largeur (hors rétroviseurs) imposent un minimum de circonspection. Entre une chaussée étroite et un revêtement passablement déformé par endroits, la GT-R n’est pas dans son élément. Ni moi d’ailleurs, atablé devant une assiette Bratwurst-frittes-sauce brune au restaurant self du col, avec un coca tiède pour faire descendre le tout. Dehors, quelques quidams sont attirés par la présence visuelle de la Nissan, trônant devant le magnifique panorama.
La descente sur Airolo par le Val Bedretto devient très roulante après les premiers lacets du sommet, trop pour être réellement intéressante. A un rythme routier, la suspension est beaucoup plus sèche qu’elle ne l’était sur autoroute, et le passage en mode Comfort n’y change rien. il est difficile de comprendre pourquoi le filtrage disparaît entièrement sur ce terrain, on en viendrait presque à croire que les ingénieurs nippons ont réellement doté la gestion des Bilstein DampTronic d’un mode spécifique aux voies rapides, et que la tenue de caisse est privilégiée au détriment du confort partout ailleurs.
Ma prochaine étape est le sommet du Gotthard. Je m’offre d’abord deux passages dans la galerie de Motto Bartola puis m’engage sur l’ancienne route. La Tremola ne présente aucun intérêt en termes de conduite, mais baignée de soleil, le cachet du serpentin pavé est indéniable. Une sorte de musée routier à ciel ouvert, emprunté par de rares cyclistes et motards, un alter-ego parfait au tracé semi-autoroutier du versant sud de la route du col, oublié du progrès et du trafic de transit. Le dessin de la GT-R est à la fois brutal dans sa simplicité, et complexe à appréhender dans le détail. Des traits vifs et abrupts, une ceinture de caisse haute et ce toit en casquette écrasé, mais aussi cette nervure prononcée qui naît des bas de caisse pour dessiner un renflement singulier sur l’aile avant.
J’apprécie certains détails, notamment la face arrière, ses optiques rondes et les énormes sorties d’échappement, mais pour le reste, les traits peinent à me séduire. Les vibrations induites par les pavés centenaires me permettent de donner une note honorable à la qualité d’assemblage de l’intérieur. A défaut d’être particulièrement plaisant au regard, il est au moins bien construit. Le revêtement en cuir de certains éléments de la planche de bord contraste avec le faux carbone des blocs de la console centrale. Cet intérieur trahit surtout l’âge du modèle, l’écran multimédia est petit, l’affichage LCD multifonctions incrusté dans le bloc d’instruments surranné.
On n’achète pas une GT-R pour le luxe de son intérieur, mais pour ses qualités dynamiques, et je m’en repaie une grosse tranche dans la redescente sur Hospental. Sur bon revêtement et dès que la route est assez large, les qualités du châssis et le souffle du moteur peuvent à nouveau s’exprimer et font de cette auto un outil redoutable. Nissan a accompli un travail remarquable en conférant à une auto de presque 1.8 tonnes une telle agilité, l’inertie est complètement absente dans les changements d’appui. Les réactions aux prises d’appui sont immédiates, digne d’une auto plus légère de plusieurs quintaux et au centre de gravité remarquablement bas.
A Andermatt, je ne résiste pas à la tentation de monter jusqu’au col de l’Oberalp et me rassasier de ses 7 glorieuses épingles, et des méandres qui les relient. Les longs appuis permettent de jouer avec l’équilibre de l’auto, charger les deux trains latéralement puis distiller le couple pour amener les roues arrière aux confins de leur ellipse d’adhérence. La GT-R se comporte comme une propulsion à moteur central avant, et certainement pas comme les intégrales cuvée WRC replica. J’en viens d’ailleurs à me poser des questions sur le fonctionnement de cette transmission intégrale et profite d’une halte pour fourrager dans les innombrables possibilités de configuration de l’écran multi-fonctions. Cinq écrans comportant 3 à 6 “instruments” à choisir dans un menu d’une quinzaine d’entrées.
Tout y est ou presque, températures de tous les fluides, boost, débit d’essence, accélération latérale ou combinée sur les 20 dernières secondes, tout sauf ce qui m’intéresse vraiment: un enregistreur lent de la distribution du couple entre l’avant et l’arrière. Un affichage instantané est disponible, mais inutilisable. Comment détourner le regard de la route pour surveiller l’indicateur de distribution du couple. Car hormis les manoeuvres ou les démarrages même pas si appuyés où il indique parfois fugacement une répartition 50/50, la barre reste scotchée au plancher, soit 100% de couple sur les roues arrière. L’effort de Nissan d’avoir offert l’accès à une telle palette de mesures de capteurs et de paramètres de gestion est louable, mais complètement inutile à l’usage, à moins d’avoir un copilote qui commente en direct les infos affichées par l’écran LCD.
Dernier morceau de choix de ce périple alpin, le Susten est fidèle à lui-même, exceptionnel de rythme, de fluidité et de beauté. A son sommet, alors que je ralentis en deuxième sur le parking, la boîte à double embrayage me gratifie d’à-coups singuliers, comme si l’embrayage en service ne pouvait se décider entre ouverture et fermeture. Jusqu’ici, elle a été compétente et prédictible, et ce comportement un peu erratique me surprend. Le freinage me laisse également sur ma faim. Le mordant laisse un peu à désirer, et la réponse à la pédale manque de consistance, avec une course un peu longue et spongieuse, mais qui demande également plus de force que les systèmes surassistés. Ce n’est ni la réponse ferme d’une pistarde qu’on module en force, ni la douceur d’une routière qu’on module en enfoncement. Ce flou nuit à la précision et à la confiance.
Trônant devant le massif du Pfriendler, un Zürichois jovial me rejoins pour un shooting improvisé, ponctuant ses clichés d’explétifs colorés en dialecte. “Huere geil !”. Aucun doute possible, la GT-R a sa base de fans irréductibles. Le bilan sur ces 5 grands cols alpins est plutôt positif et pourrait télégraphiquement se résumer ainsi: GT sportive et performante. Stop. Gabarit XL parfois handicapant sur route étroite. Stop. Tramlining, train arrière chatouilleux & couple abondant quand V6 biturbo on boost. Stop. Expérience captivante mais détails manquent rigueur. Stop. Me suis pas ennuyé. Stop. Ou dans sa version Twitter: #godzilla #arsouillealpine #çapousse #yadusport. Même la conso sur la journée paraît raisonnable en regard du rythme: moins de 15L/100km.
Daily rustique ?
Sportive intéressante soit, mais le vrai test d’une GT est de pouvoir faire le grand écart entre les servitudes hebdomadaires et les badineries de congé de fin de semaine. Le coffre offre un volume de 315L, appréciable pour les week-ends sur piste ou ailleurs, et utilement complété par la banquette arrière. La GT-R est une 2+2 stricte, et il est illusoire d’y loger un adulte à l’arrière, la place manquant autant pour les jambes qu’en hauteur pour la tête. Il est naturellement impossible de caser une sacoche d’ordinateur sur le plancher derrière le siège conducteur, mais le siège arrière est suffisamment encaissé pour éviter de l’envoyer valdinguer au premier virage.
Sur des trajets mélangeant le sacerdoce pendulaire et des trajets autoroutiers plus longs, la conso moyenne calculée tombe à 12.4 L/100km, mais d’autres impressions ressortent, peignant peu à peu ce portrait impressionniste qu’est l’utilisation d’une auto au quotidien. Je me lasse assez rapidement des sièges, surtout des rembourrages du placet qui me scient les fesses et les cuisses, au point de devenir inconfortables sur long trajet. L’expérience au quotidien n’a pas la discrétion cossue et onctueuse d’une Porsche 911 Carrera, elle est virile, brute. Certains apprécieront cette immersion dans un univers mécanique prenant, mais d’autres s’en lasseront vite. A la mise en marche, la boîte impose toujours quelques secondes de pause avant d’autoriser la sélection de la marche arrière ou du mode Drive. L’embrayage n’est pas un modèle de douceur, et les manoeuvres au millimètre pas toujours aisées.
Ce sont cependant les changements de rapports en conduite coulée qui trahissent le plus l’âge de la boîte GR6, un mécanisme à double embrayage assemblé à l’interne chez Nissan sous license Borg Warner, par ailleurs fournisseur attitré du groupe Volkswagen. Les montées de rapport sont souvent brutales, les contre-pieds fréquents, la prestation nous ramène aux premiers pas des boîtes manuelles robotisées de la fin des années 90. Elle est à son meilleur lorsqu’on avoine, exécutant les changements de rapports éclairs et transparents attendus de ce genre de boîte, mais pas du tout à son avantage dans la mélasse du trafic d’agglomération. Le recours au mode manuel est impératif, mais ne permet pas d’éviter tous les à-coups. Nissan propose un mode deux roues motrices pour limiter les efforts en manoeuvres, accessible après deux pressions successives de 4 secondes sur le contacteur de mode de transmission, et actif dans une zone de fonctionnement étroite: vitesse de moins de 10 km/h et angle de volant entre un demi tour et la butée. Je ne comprends pas pourquoi cette fonction n’a pas été automatisée.
La caméra de recul apporte un soutien bienvenu aux marches arrière, mais j’aurais parfois apprécié le concours de capteurs de distance, absents de notre voiture. Nissan ne les propose ni en série, ni en option, mais comme accessoire à faire installer en concession. Conclusion: la GT-R est un daily driver viable, mais son habitabilité, son gabarit et surtout la maladroitesse de sa transmission en conduite douce la destinent plutôt à une utilisation récréative.
La dissection
Une belle soirée d’automne, un tracé routier sélectif et un objectif clair: comprendre l’incidence des réglages châssis, transmission et ESP sur le comportement de l’auto en conduite sportive. Les trois commutateurs de la console centrale offrent les possibilités de réglages suivantes:
- 1) Transmission: le mode SAVE est destiné à l’abaissement de la consommation; le mode R est optimisé pour la performance et permet l’accès à la fonction de launch control
- 2) Suspension: le mode Comfort adoucit l’amortissement, le mode R le raffermit
- 3) ESP: lois de répartition du couple en mode R, et désactivation complète en mode OFF.
Je fais une première montée avec les trois contacteurs en position médiane pour établir une base de comparaison. En sortie d’épingle en deuxième, l’ESP intervient de manière intrusive, mais pour le reste, la GT-R est remarquablement à son aise. Les changements d’appuis rythmés ne révèlent ni inertie ni lourdeur. Roulis et cabrage sont limités au maximum, jamais 1800kg ne m’ont paru si légers. La bonne qualité du revêtement rend la voiture moins nerveuse qu’elle ne l’était dans les Alpes, mais la vitesse et les accélérations latérales et longidutinales requièrent toute mon attention. La sonorité est par contre fade de l’intérieur, la rondeur de la note d’échappement qui se réverbérait contre les parois rocheuses des alpes se perd ici entre feuillus et conifères.
Le passage en mode R demande à être quittancé en maintenant le commutateur en position pendant 1 seconde. Je commence par l’amortissement, mais après un aller-retour, j’en conclus que le mode adaptatif normal est déjà tellement orienté vers la fermeté que le mode R n’apporte pas de changement notable, sur route du moins. Le mode normal effectue un travail remarquable dans la régulation des amortisseurs Bilstein, en partant d’une base ferme, parfois sèche, mais qui évite toutefois que l’auto se désunisse. En enquillant un aller retour supplémentaire, je reviens avec le même constat sur le mode R pour la boîte. Les passages devraient être plus rapides, mais la différence n’est pas flagrante. Nissan s’est gardé d’adopter les égalisations de régime caricaturales de certaines italiennes, et c’est tant mieux.
Le mode ESP R, par contre, amène des changements plus notables sur la gestion de la motricité à la limite. Le seuil d’intervention est clairement repoussé – trop loin pour que j’ose aller le chercher sur route ouverte – et une exploitation généreuse du couple en sortie de virages serrés se traduit par une motricité balistique. On sent la torture des Dunlop – la paire arrière surtout – qui ripent en s’accrochant aux aspérités du revêtement. J’ai confié à ma passagère le soin de surveiller la répartition du couple sur l’écran central, mais les indices d’un transfert de couple vers l’avant restent étonnament rares. L’efficacité et la précision de l’ensemble sont redoutables et imposent le respect, mais ne m’inspirent pourtant ni verve ni euphorie. Il manque ce côté addictif qu’on cherche dans une super sportive, un trait charismatique, particulier et unique.
En rentrant au bercail à la nuit tombante, je cherche à rationaliser cette sensation bizarre. La GT-R a passé l’examen haut la main, mais j’avais éprouvé plus de plaisir à me battre contre ses imperfections dans les alpes qu’à analyser ses qualités dans le jura vaudois. Que manque-t-’il donc pour transformer l’essai ? De la voix, sans doute, l’auto manque de personnalité sonore sans réverbération du relief. De la performance peut-être aussi, je n’ai jamais éprouvé la sensation d’un moteur débordant que des supercars coûtant le double distillent avec tant de brio. Le technophile en moi est également resté sur sa faim: les possibilités de configuration de la GT-R sont sommes toutes limitées dans leurs dimensions et limitées dans leur effet, l’interface machine-pilote finalement assez low tech aux standards de 2014. Peut-être tout simplement que la réputation d’aptitudes surnaturelles place la barre trop haut.
La GT-R n’est pas cet équivalent copulatoire d’une double ration de Viagra accompagnée d’un préservatif triple couche auquel ses détracteurs – si peu en ont pris le volant – se plaisent à la comparer. Son enveloppe de performance est telle que n’importe qui arrivera sans peine à avaler beaucoup d’autos moins puissantes, mais au-delà des 7/10èmes de son potentiel et sur terrain imparfait, elle représente un challenge que tout amateur de pilotage devrait apprécier à plein.
Elle n’est pas non plus la panacée que les inconditionnels ont voulu faire d’elle. Affichée dès 122’800 CHF, il est difficile de lui trouver des concurrentes directes sur le papier, ce qui en fait son argument de vente principal: un rapport prix/performances sans nulle autre pareille (nous ignorerons le cas de la GT-R Nismo affichée 188’920 CHF/150’000 €). Pour ce tarif, on obtient une sportive authentique mais une GT imparfaite, affectée par une boîte maladroite qui trahit son âge, un confort très relatif et des aspects pratiques discutables. La semaine passée à son volant a renforcé mon respect pour les compétences des ingénieurs de Nissan, mais n’en fait pas une auto incontournable dont il me tarde de reprendre le volant un jour.
Prix et options du véhicule essayé
Prix de base Nissan GT-R 2014 Premium Edition | CHF 122’800 | € 94’200 |
Version Black Edition | CHF 1’700 | € 1’100 |
Peinture métallisée | CHF 1’250 | €1’000 |
Prix catalogue du modèle essayé | CHF 125’750 | € 96’300 |
Autres options | ||
Peinture perlée | CHF 2’500 | € 2’000 |
Intérieur Amber Red ou Pale Ivory | CHF 5’000 | N.C. |
Jantes Spec-V et Spoiler carbone | CHF 7’500 | N.C. |
Face à la concurrence
Nissan GT-R | Audi RS5 Coupé | Porsche 991 Turbo | |
Moteur | V6 3799 cm3 biturbo | V8 4163 cm3 | B6 3800 cm3 biturbo |
Puissance (ch / t/min) | 550 / 6400 | 450 / 8250 | 520 / 6000-6500 |
Couple (Nm / tr/min) | 632 / 3200-5800 | 430 / 4000-6000 | 660 / 1950-5000 |
Transmission | 4×4 ATTESA E-TS | Quattro | 4 RM |
Boite à vitesses | GR6 double embrayage | STronic 7 rapports | PDK 7 rapports |
RPP (kg/ch) | 3.24 | (3.81) | (3.07) |
Poids DIN (constr.) | 1784 (1740) 55.2% AV 44.8% AR |
(1715) | (1595) |
0-100 km/h (sec.) | 2.7 | 4.5 | 3.4 |
Vitesse max. (km/h) | 315 | 250 | 315 |
Conso. Mixte (constr.) | 13.63 (11.8) | (10.5) | (9.7) |
Réservoir (l) | 74 | 61 | 68 |
Emissions CO2 (g/km) | 275 | 246 | 227 |
Longueur (mm) | 4670 | 4649 | 4506 |
Largeur (mm) | 1895 | 1860/2020 | 1880/1978 |
Hauteur (mm) | 1370 | 1366 | 1296 |
Empattement (mm) | 2780 | 2751 | 2450 |
Coffre (L) | 315 | 455/829 | 115 |
Pneumatiques AV | 255/40ZRF20 97Y | 265/35 R19 98Y | 245/35 ZR 20 |
Pneumatiques AR | 285/35 ZRF20 100Y | 265/35 R19 98Y | 305/30 ZR 20 |
Prix de base (CHF) | 122’800 | 108’700 | 228’500 |
Prix de base (EUR) | 94’200 | 90’650 | 167’603 |
Nos remerciements à Nissan Suisse pour le prêt de cette Nissan GT-R.
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