La Toyota Prius à l’épreuve du temps et des kilomètres.
Toyota a célébré en Décembre 2012 la vente de sa 5 millionième voiture hybride, dont 3 millions de Prius. Un succès commercial indéniable qui constitue un des piliers stratégiques et technologiques du premier constructeur mondial. Une opportunité de faire le point sur notre propre expérience au volant de notre Prius II, après 5 ans et 50’000km d’hybridisation.
48’903km, 5.44 L/100km, RAS. Tel pourrait être le résumé de cinq années vécues avec notre Prius.
La consommation est naturellement d’un intérêt essentiel sur une auto qui symbolise, à raison ou à tort, la mobilité responsable et la conscience environnementale. La moyenne mesurée de 5.44 L/100km peut apparaître comme peu convaincante en comparaison avec de petits turbodiesels, mais il est important de la replacer dans le contexte d’une utilisation sur un large spectre de trajets, certains très courts, d’autres plus longs et allure soutenue sur autoroute, la plupart du temps sur des reliefs vallonnés. Il ne s’agit donc pas d’une moyenne « best case » de forçat d’autoroute de plaine scotché au cruise control, mais plutôt d’une valeur réaliste réalisée sur des déplacements et dans des conditions qui seraient défavorables à une auto classique et où l’avantage de la technologie hybride prend tout son sens.
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A commencer par la récupération d’énergie en descente. Selon Google maps, le trajet de notre logis jusqu’à l’artère principale la plus proche est une descente de 90m de dénivelé sur une distance de 1140m et suffit pour complètement recharger le pack de batteries NiMH. De quoi ensuite traverser la localité en mode électrique, pour autant que le moteur soit chaud et la gestion électronique ne le force pas à tourner au ralenti pour qu’il monte en température le plus vite possible. Il n’est toutefois pas nécessaire de rouler dans des régions au relief accidenté pour bénéficier de la récupération d’énergie cinétique ou potentielle, chaque ralentissement, chaque levé de pied, pour autant qu’il soit anticipé, est une opportunité de se gaver en électrons. Le système Hybrid Synergy Drive utilise naturellement le couple moteur excédentaire pour faire tourner le moteur comme alternateur lorsque les conditions s’y prêtent.
La courbe bleue en dents de scie des consommations relevées à chaque plein pourrait être l’indice d’une grande variabilité de la consommation, mais c’est plutôt le reflet de l’inexactitude sur la mesure du carburant nécessaire pour refaire le plein. Le réservoir souple est un facteur d’incertitude significatif, d’autant plus qu’il est fortement déconseillé de le remplir au-delà du deuxième click du pistolet de la pompe à essence. Deux raisons à cela, primo le risque de rupture de celui-ci s’il est rempli à l’excès, mais surtout deuxio le fait qu’un remplissage excessif a un effet analogue à une biture mal gérée: le contenu indigeste excédentaire est régurgité par l’orifice de remplissage. Le plein est donc parfois incomplet, ce qui se rattrapera au remplissage suivant par l’apparence d’une consommation plus importante. L’ordinateur de bord est donc un indicateur plus fiable de la consommation de plein en plein, comme en témoigne la courbe verte. La moyenne totale rapportée est de 5.24 L/100km, soit une erreur de 3.7% par rapport aux 5.44 mesurés.
Une moyenne ODB incidemment identique à celle mesurée sur les 10’000 premiers kilomètres parcourus en Californie dans des conditions de climat, d’altitude (niveau de la mer) et de relief significativement différentes (voir article précédent).
En lissant avec une approximation polynomiale (courbe traitillée), on perçoit une excursion saisonnière, avec des minimas estivaux et des maximas hivernaux. Deux hypothèses possibles : l’efficacité des batteries par températures froides et la monte pneumatique. Le fait que l’été 2012 a été parcouru avec les pneus d’hiver (des Michelin Pilot Alpin 195/55/16) en lieu et place des Good Year Integrity en 185/65/15) peut amener une différence notable. La largeur, la dureté de la gomme, la masse des jantes de 16 pouces et la pression de service plus élevée sur les roues d’été (3.0 bars à l’avant, 2.9 à l’arrière) ont tous une incidence sur la consommation.
La consommation n’a jusqu’ici montré aucune tendance à l’augmentation, un indicateur d’une éventuelle perte graduelle de la capacité des batteries NiMH. Les ingénieurs de Toyota semblent avoir déployé un trésor de sophistication dans leur gestion, n’utilisant que la moitié de leur charge maximale théorique et procédant épisodiquement à un cycle de décharge complète, décelable si on observe l’affichage de flux d’énergie. Les bases de données en ligne de consommation montrent des résultats cohérents avec 47.5 mpg (4.95 L/100km) sur GreenHybrid ou 5.2 L/100km sur Spritmonitor.
Un des plus gros défauts de la Prius II est la position de conduite. Le siège conducteur n’étant pas réglable en hauteur, l’assise est conçue pour des personnes de petites tailles. Mes 182cm se retrouvent placés bien trop haut, et la plage de réglage du volant (en inclinaison uniquement) n’apporte pas de solution satisfaisante. La garde au toit reste généreusement suffisante, mais on doit se résoudre à conduire avec le volant sur les genoux. Ceci demeure un de mes plus grands griefs à l’égard de cette auto. Le manque de maintien latéral des sièges est également un défaut, mais il est moins flagrant dans la mesure où rien – ou si peu – dans cette voiture n’incite à une conduite saignante et des vitesses de passage en courbe élevées. Les passagers arrière sont remarquablement traités avec un espace aux jambes digne d’une limousine à empattement allongé.
L’ergonomie des commandes, elle, est agréable à l’usage sur la durée, il est possible de commander la plupart des fonctions essentielles depuis le volant multifonctions ou les commodos, et le reste est facilement accessible par l’écran tactile résistif. Nous n’utilisons pas la commande vocale, l’accès direct aux fonctions voulues est plus rapide et, somme toute, moins distrayant. L’instrumentation est simple mais efficace, mon grief principal demeurant l’absence d’un réel ordinateur de voyage indiquant la vitesse moyenne et offrant deux bases de calcul de consommation. Les histogrammes de consommation et régénération d’énergie sont un gadget inutile, la possibilité établir une corrélation entre vitesse moyenne et consommation serait bien plus pertinente pour une auto dont la consommation est un argument principal. Une indication du régime moteur aurait également un intérêt anecdotique, même si on n’a aucun moyen autre que la pédale droite pour l’influencer.
L’intérieur de la Prius II est fini avec des matériaux de qualité moyenne, un mélange de surfaces structurées, souples mais assez difficiles à nettoyer, et de plages texturées qui se raient un peu plus facilement. Les ajustements sont acceptables pour la catégorie, mais il est plaisant de constater que notre Prius n’a pas développé de grincements ou rossignols agaçants, même sur revêtement dégradés. L’intégrité de l’assemblage est donc bonne et bien conçue. La sellerie (sans nul doute du faux cuir) est devenue plus polie et brillante sur les surfaces soumises à de fréquentes frictions, mais il n’y a pas d’indices précurseurs de craquements ou déchirements.
« Moche comme une Prius ». J’ai entendu – ou lu – le commentaire à maintes reprises et il m’étonne à chaque occurrence. Si je ne qualifierais pas la voiture d’esthétiquement séduisante, je persiste à lui trouver une certaine élégance sobre selon les angles, surtout le trois-quarts arrière. Une affaire de goût personnel, ma curiosité bienveillante pour le style des Fiat Multipla première génération me place incontestablement dans une niche en matière stylistique.
Sur la durée, le Hybrid Synergy Drive de Toyota confirme de manière éclatante son ingéniosité. Pour une description de son fonctionnement, nous vous renvoyons à notre article précédent et à cette excellente animation qui permet de jouer avec ses composants principaux. Jamais le moindre problème, le moindre à-coup, la plus petite hésitation, cette technologie est aussi raffinée qu’aboutie, une véritable merveille d’ingénierie. Il faut certes s’adapter à la sensation que le variateur (à cascade de pignons en l’occurrence) procure : chaque mouvement de la pédale se traduit en changement de régime du moteur thermique lorsque celui-ci est enclenché. Ce détail psycho-sensoriel mis à part, les transitions entre les différents modes sont limpides, et l’accumulation des kilomètres n’y a rien changé. Notre voiture d’origine californienne ne dispose pas du bouton EV permettant de forcer la voiture à utiliser la propulsion électrique tant que les conditions le permettent. Pour jouir de l’électrique, il faut donc être doux de la cheville en accélérant avec grande modération et en maintenant la vitesse sous les 50 km/h. La disponibilité du mode de frein moteur ‘B’ permet de moduler le ralentissement en approche d’intersection ou en descente, un avantage appréciable sur les systèmes qui utilisent une course morte sur la pédale de frein.
Le deuxième gros défaut de la Prius II est la gestion de la traction sur neige ou revêtement très glissant. La motricité elle-même est plutôt bonne, mais la gestion électronique du couple moteur interdit jusqu’au moindre risque d’amorce de patinage des roues motrices, et il n’y a pas de bouton permettant de la désactiver. Je me suis ainsi retrouvé un soir d’hiver sur une pente glacée recouverte de neige fraiche, et une Prius qui ne bougeait plus d’un iota, même pédale au plancher. Les conditions étaient certes traître, mais il n’est pas moins frustrant de finir immobilisé parce que la voiture détecte un risque de patinage. Seule parade, faire demi-tour et gravir la pente en marche arrière. Une esquive possible dans une zone résidentielle et qui a fonctionné à merveille dans mon cas, mais qui est bien naturellement impossible dans la majorité des conditions routières. Il est possible que les ingénieurs de Toyota aient dû prendre des mesures pour éviter que le couple massif du moteur électrique ne fasse un méchoui de la transmission, mais la solution n’est pas acceptable. La Prius II ne pose pas par ailleurs de problème sur la neige, mais en cas de conditions extrêmes, l’électronique pourrait vous laisser planté en mauvaise posture, ce indépendamment de votre doigté de pilote des hautes cimes.
Le comportement routier est plutôt placide, dominé par le grip limité des enveloppes pneumatiques, à fortiori en monte de 15 pouces. Roulis, déformation des flancs, rien n’incite à trop d’ardeurs. La finesse du pilotage est plutôt à chercher dans la douceur et la précision tout en intégrant les fondements de l’éco-drive, soit l’anticipation et la conservation de la quantité de mouvement. Une sorte de « momentum car » pour éviter de ruineuses relances, le grip latéral en moins. Sur autoroute, la tenue de cap parait un peu louvoyante, surtout sur chaussée déformée par les poids-lourds, et la sensibilité au vent latéral demande attention. Rouler à vitesse prescrite n’est cependant pas une torture, sauf si le relief requiert de pousser le petit 4 cylindres à cycle Atkinson, auquel cas son bruit envahissant peut vite devenir fatiguant. La Prius II est capable sans problème de tenir des vitesse de croisière de 150 km/h, mais l’exercice n’est ni confortable, ni cohérent avec la définition de l’auto. De longs trajets ne sont pas du tout proscrits. Nous avons par exemple convoyé cet exemplaire de la Silicon Valley au sud de Los Angeles en une matinée en toute décontraction, ou sommes descendu en convoi jusqu’en Toscane, chargé à bloc de bagages et passagers. Il est toutefois souhaitable de caler sa vitesse de croisière sur les souhaits du législateur.
Le bilan d’utilisation est donc favorable, dès l’instant où l’on juge la Prius II pour ce qu’elle est, une berline compacte, pratique et spacieuse, fiable, tenant ses promesses en termes de frugalité, mais sans aucune ambition de performances sportives. J’apprécie sa conduite pour son côté facile et maniable, une auto parfaite pour les corvées, les courses, les trajets urbains, mais aussi pour une balade tranquille ou pour convoyer des passagers qui préfèrent l’espace, la luminosité et la détente offerte par la Prius au luxe confiné et claustrophobique de mon Audi S5 Sportback. En sus de la zénitude d’une auto facile, la Prius est un excellent instrument pour la conduite éco-drive, peut-être la seule technique de pilotage encore applicable avec réalisme aux conditions de trafic contemporaines. La satisfaction n’est pas comparable à un tour de la Nordschleife, mais l’exercice est intéressant si on y est ouvert et récompensé de quelques hectomètres supplémentaires de propulsion électrique. Un moment éphémère de mobilité lisse et silencieuse.
Entretien & frais
Frais annuels fixes | |
Taxes d’immatriculation (Vaud, 1725kg, 57kW, 104g/km CO2) | 206 CHF |
Assurance RC+Casco | 792 CHF |
Consommables | |
Jantes + Pneus hiver Michelin Alpin A3 195/55R16 Jan. 2009 | 1294 CHF |
Pneus hiver Continental Dec. 2012 | 479 CHF |
Essence SPb 95: 48604km @ 5.44 L/100km @ 1.69 CHF/L | 4468 CHF |
Entretien | |
Service annuel 2010 23’000km | 260 CHF |
Service annuel 2011 42’000km | 634 CHF |
Amortissement | |
Valeur de revente estimée, 5 ans, 50’000km: 15’000 CHF | 33320 CHF |
Coût kilométrique total: 45’445 CHF sur 50’000km | 0.93 CHF/km |
Coût kilométrique incrémental | 0.13 CHF/km |
L’amortissement est un poste considérable si l’on tient compte du prix d’achat au tarif suisse valable en février 2008. Notre Prius ne nous a, en réalité, coûté que 30915 CHF (19240€ au cours du jour), grâce à la faiblesse du dollar et la tarification favorable sur le marché américain. La valeur des Prius sur le marché est faible, peut-être une méfiance infondée quant à la fiabilité de l’auto, ce qui en fait une excellente affaire pour l’amateur. Les frais fixes annuels sont le deuxième poste du budget, juste devant le carburant puis les pneumatiques et services. En tenant compte de la valeur d’achat réelle, le coût kilométrique revient à 57.3 centimes. A noter que le premier service aux Etats-Unis était gratuit, et que les services annuels dans le réseau suisse sont chers du fait des coûts de main d’oeuvre. La voiture n’a eu strictement aucune panne ou défectuosité.
Face à la concurrence
Toyota Prius II | Honda Civic Hybrid | VW Golf V Blue Motion | |
Moteur thermique |
L4-1497 cm3
16V Atkinson
|
L4-1339 cm3
8V
|
L4-1900 cm3 turbodiesel |
Moteur électrique | Synchrone à aimants permanents | N.C. | – |
Puissance (ch / t/min) | 78+37ch* | 95+20ch* | 105 / 4000 |
Couple (Nm / tr/min) | 115 + 400 Nm | 123 + 103 Nm | 250 / 1900 |
Transmission | AV | AV | AV |
Boite à vitesses | Pseudo-CVT | CVT | BVM 5 |
RPP (kg/ch) | 12.08 | (11.51) | 13.47 |
Poids DIN (constr.) | 1354 (1329) 59% AV / 41% AR |
(1324) | (1415) |
0-100 km/h (sec.) | 10.9 | 12.1 | 11.3 |
Vitesse max. (km/h) | 170 | 185 | 187 |
Conso. Mixte (constr.) | 5.43 (4.3) | (4.6) | (4.3) |
Réservoir (l) | 45L | 50L | 55L |
Emissions CO2 (g/km) | 104 | 109 | 146 |
Longueur (mm) | 4445 | 4545 | 4204 |
Largeur (mm) | 1725 | 1750 | 1759 |
Hauteur (mm) | 1490 | 1430 | 1485 |
Empattement (mm) | 2700 | 2700 | 2578 |
Coffre (L) | 408 / 1210 | 350 | 305 / 1305 |
Pneumatiques | 195/55/16 | 185/65/15 | 195/65/15 |
Prix de base (CHF) | 39’770 | 35’900 | 31’460 |
Prix de base (EUR) | 25’950 | 24’250 | 21’350 |
Pour plus d’informations techniques, se reporter à cette page de l’article précédent.
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