Essai longue durée: 50’000km en Toyota Prius II
« Moche comme une Prius ». J’ai entendu – ou lu – le commentaire à maintes reprises et il m’étonne à chaque occurrence. Si je ne qualifierais pas la voiture d’esthétiquement séduisante, je persiste à lui trouver une certaine élégance sobre selon les angles, surtout le trois-quarts arrière. Une affaire de goût personnel, ma curiosité bienveillante pour le style des Fiat Multipla première génération me place incontestablement dans une niche en matière stylistique.
Sur la durée, le Hybrid Synergy Drive de Toyota confirme de manière éclatante son ingéniosité. Pour une description de son fonctionnement, nous vous renvoyons à notre article précédent et à cette excellente animation qui permet de jouer avec ses composants principaux. Jamais le moindre problème, le moindre à-coup, la plus petite hésitation, cette technologie est aussi raffinée qu’aboutie, une véritable merveille d’ingénierie. Il faut certes s’adapter à la sensation que le variateur (à cascade de pignons en l’occurrence) procure : chaque mouvement de la pédale se traduit en changement de régime du moteur thermique lorsque celui-ci est enclenché. Ce détail psycho-sensoriel mis à part, les transitions entre les différents modes sont limpides, et l’accumulation des kilomètres n’y a rien changé. Notre voiture d’origine californienne ne dispose pas du bouton EV permettant de forcer la voiture à utiliser la propulsion électrique tant que les conditions le permettent. Pour jouir de l’électrique, il faut donc être doux de la cheville en accélérant avec grande modération et en maintenant la vitesse sous les 50 km/h. La disponibilité du mode de frein moteur ‘B’ permet de moduler le ralentissement en approche d’intersection ou en descente, un avantage appréciable sur les systèmes qui utilisent une course morte sur la pédale de frein.
Le deuxième gros défaut de la Prius II est la gestion de la traction sur neige ou revêtement très glissant. La motricité elle-même est plutôt bonne, mais la gestion électronique du couple moteur interdit jusqu’au moindre risque d’amorce de patinage des roues motrices, et il n’y a pas de bouton permettant de la désactiver. Je me suis ainsi retrouvé un soir d’hiver sur une pente glacée recouverte de neige fraiche, et une Prius qui ne bougeait plus d’un iota, même pédale au plancher. Les conditions étaient certes traître, mais il n’est pas moins frustrant de finir immobilisé parce que la voiture détecte un risque de patinage. Seule parade, faire demi-tour et gravir la pente en marche arrière. Une esquive possible dans une zone résidentielle et qui a fonctionné à merveille dans mon cas, mais qui est bien naturellement impossible dans la majorité des conditions routières. Il est possible que les ingénieurs de Toyota aient dû prendre des mesures pour éviter que le couple massif du moteur électrique ne fasse un méchoui de la transmission, mais la solution n’est pas acceptable. La Prius II ne pose pas par ailleurs de problème sur la neige, mais en cas de conditions extrêmes, l’électronique pourrait vous laisser planté en mauvaise posture, ce indépendamment de votre doigté de pilote des hautes cimes.
Le comportement routier est plutôt placide, dominé par le grip limité des enveloppes pneumatiques, à fortiori en monte de 15 pouces. Roulis, déformation des flancs, rien n’incite à trop d’ardeurs. La finesse du pilotage est plutôt à chercher dans la douceur et la précision tout en intégrant les fondements de l’éco-drive, soit l’anticipation et la conservation de la quantité de mouvement. Une sorte de « momentum car » pour éviter de ruineuses relances, le grip latéral en moins. Sur autoroute, la tenue de cap parait un peu louvoyante, surtout sur chaussée déformée par les poids-lourds, et la sensibilité au vent latéral demande attention. Rouler à vitesse prescrite n’est cependant pas une torture, sauf si le relief requiert de pousser le petit 4 cylindres à cycle Atkinson, auquel cas son bruit envahissant peut vite devenir fatiguant. La Prius II est capable sans problème de tenir des vitesse de croisière de 150 km/h, mais l’exercice n’est ni confortable, ni cohérent avec la définition de l’auto. De longs trajets ne sont pas du tout proscrits. Nous avons par exemple convoyé cet exemplaire de la Silicon Valley au sud de Los Angeles en une matinée en toute décontraction, ou sommes descendu en convoi jusqu’en Toscane, chargé à bloc de bagages et passagers. Il est toutefois souhaitable de caler sa vitesse de croisière sur les souhaits du législateur.
Le bilan d’utilisation est donc favorable, dès l’instant où l’on juge la Prius II pour ce qu’elle est, une berline compacte, pratique et spacieuse, fiable, tenant ses promesses en termes de frugalité, mais sans aucune ambition de performances sportives. J’apprécie sa conduite pour son côté facile et maniable, une auto parfaite pour les corvées, les courses, les trajets urbains, mais aussi pour une balade tranquille ou pour convoyer des passagers qui préfèrent l’espace, la luminosité et la détente offerte par la Prius au luxe confiné et claustrophobique de mon Audi S5 Sportback. En sus de la zénitude d’une auto facile, la Prius est un excellent instrument pour la conduite éco-drive, peut-être la seule technique de pilotage encore applicable avec réalisme aux conditions de trafic contemporaines. La satisfaction n’est pas comparable à un tour de la Nordschleife, mais l’exercice est intéressant si on y est ouvert et récompensé de quelques hectomètres supplémentaires de propulsion électrique. Un moment éphémère de mobilité lisse et silencieuse.