Mutorcs a écrit :vravolta a écrit :Et quand on corrige les chiffres de l'effet du risque lié au contexte, il n'y a presque plus de différence statistique entre les sexes.
Je serais assez curieux de connaitre ta source... ça me parait plutôt compliqué à calculer, le "risque"...
De manière générale la testostérone nous pousse plus à avoir des comportements risqués et dangereux: c'est biologique. Pareil pour les jeunes conducteurs... On paie d'ailleurs plus d'assurance pour ces raisons! Bien évidemment chaque personne est différente et d'autre facteurs entrent aussi en jeux mais c'est une tendance

Le fait de mettre un prix sur un risque (calcul de prime) est le métier de l'actuaire (ma formation de base) et oui, c'est un poil complexe
Pour le coup du "dealer de cité", c'était le sujet de mémoire de fin d'étude d'un bon ami et de mémoire, c'était basé sur des données internes de l'UAP. L'erreur de raisonnement était la suivante: pour estimer l'impact d'un facteur sur la prime, on prend un facteur discriminant et on encode une variable qui vaut 1 quand on a ce facteur, 0 quand on ne l'a pas. Puis on calcule la moyenne des couts des sinistres sur la population qui est codée 1 et la moyenne chez ceux qui sont codés 0. On fait le rapport de ces 2 moyennes et ca dit quel doit être l'écart de prime entre les 2 populations.
Et on refait ca pour les autres facteurs de risques et à chaque fois, ca donne un pourcentage à appliquer à la prime quand on présente le risque. Le problème, c'est que ce raisonnement est juste pour un unique facteur de risque mais où on se plante, c'est quand on décrète que le cumul des facteurs de risque est additif et que donc si on a 2 facteurs de risque, on applique l'un après l'autre les coeffs multiplicatifs.
Si on veut être juste, il faut découper la population en une série de profils de risque qui sont le cumul de chaque facteur de risque. Ainsi, chaque individu se voit attribuer un profil du type 1 1 0 1 1 ou chaque chiffre représente le codage selon chaque facteur de risque identifié (le profil que je viens de donner présente tous les risques sauf le 3e par exemple). Et là, on se met à calculer la sinistralité pour chaque groupe de personne ayant le même profil et ca donne donc le coefficient à appliquer à la prime de base pour les gens avec un profil de risque donné. Et la conclusion du mémoire de mon ami, c'était que la population 1 1 1 1 1 avait un coefficient bien plus faible par la seconde méthode (plus juste mais plus lourde à calculer) qu'avec la première. Ca va à l'encontre de la logique naturelle, mais c'est une réalité mathématique implacable.
Un autre exemple classique d'erreur classique, c'est d'imaginer que la prime d'assurance sur une grosse voiture sportive est plus chère que sur une petite. Perso, j'ai divisé par 2 ma prime le jour où je suis passé de la GTI16 de mes débuts à la 911 turbo. Pourtant, la voiture vaut plus cher, devrait attirer logiquement plus les convoitises de voleurs, devrait inciter à rouler plus sportivement et donc on pense logique que la prime monte du fait du cumul de facteurs qui semblent négatifs. Sauf qu'en pratique, le pool des conducteurs de 911 est mieux formé à la conduite que le conducteur moyen qui veut se faire plaisir avec une GTI, il a en général une seconde voiture qu'il prend quand il sait qu'il va se retrouver dans des conditions risquées (voiture qui traine 15 jours sur un parking d'aéroport, neige ,long trajet fatiguant) et il fait bien plus attention à sa voiture car il y est bien plus attaché qu'à une voiture lambda.
Pour parler de testostérone, une assurance a tenté la prime différenciée moins chère pour les jeunes conductrices que pour les jeunes conducteurs. Ils pensaient ainsi attirer ce qu'ils imaginaient être les bons risques. En pratique, l'expérience a vite été arrêtée car le résultat a été très négatif. En effet, s'il est vrai que les jeunes hommes portaient une plus grosse part de responsabilité dans les accidents (c'est factuel), les jeunes conductrices en revanche subissaient un nombre significatif d'accrochages non responsables. L'explication avancée est leur coté hésitant qui fait que leur conduite est peu lisible des autres conducteur + déclenche leur énervement et donc ils les collent, tentent de manoeuvres dangereuses pour s'en débarasser et finissent par les accrocher. Mais le problème, c'est que pour éviter les couts importants de recouvrement de sommes entre assurance, il existe des accords de réciprocité comme quoi, pour les petits sinistres, c'est l'assureur de la voiture accidentée qui paie, même si l'assuré n'a pas commis de faute car normalement, les cas où l'assurance paie mais ne devrait pas s'équilibrent et donc au final on a payé en trop pour autant de cas où ce sont les autres assureurs qui ont payé en trop et tout le monde a économisé les frais de recouvrement donc tout le monde gagne. Mais il n'y a plus équilibre quand un acteur a une stratégie visant à surreprésenter dans ses clients les gens qui ont des petits accidents non responsables car ils passront leur vie à les payer allrs qu'ils ne devraient pas. Et donc ils se retrouvent dans une situation où ils décaissent plus qu'avant de sélectionner cette population alors qu'ils encaissent moins de primes vu qu'ils anticipaient moins de sinistres. C'est ce qu'on appelle la sélection adverse = on met en place des mesures pour aller dans un sens et on arrive à quelque chose qui va exactement à l'opposé.
Pour le coup de la testostérone toujours, il est indéniable que cela entraine plus de comportements à risque. La question est de déterminer si c'est statistiquement significatif. Et la réponse est que ca l'est assez peu (là par contre, je n'ai plus les sources, c'est quelque part dans un cours d'assurance d'il y a 20 ans au fond d'un carton de mon grenier) et que statistiquement, quand on essaie d'expliquer la sinistralité, les facteurs les plus explicatifs ne sont pas le sexe mais les conditions de route. Et c'est là qu'on tombe sur le problème classique des statistiques: la statistique permet de mettre en évidence des corrélations. Le problème, c'est qu'une corrélation n'est pas une causalité. Et donc quand on a détecté une corrélation, le travail n'est pas terminé, il faut mettre en évidence le mécanisme de causalité car sinon, on ne peut rien tirer de la corrélation. C'est donc pour ca qu'il y a des gens dont le métier c'est de partir des corrélations et de déterminer lesquelles sont exploitables (causalités) lesquels ne le sont pas. Et au final, découper la population des sinistres par le sexe du conducteur s'avère moins valable que de découper par les conditions de route: on explique bien plus fiablement les accidents par les conditions de route que par le sexe (on capte une plus grosse part de la variance du nuage). A noter aussi le plus grand nombre de kms parcourus par les hommes au volant (qui aiment plus conduire). Si on norme par ce chiffre, là aussi l'écart apparent entre les sexes se met à fondre: ma mère risque pas d'avoir d'accident, elle a pas conduit depuis 40 ans. Pourtant, elle conduirait à n'en pas douter infiniment moins bien que mon père vu son manque de pratique. Donc sa moindre sinistralité, ce n'est pas lié à son sexe mais à son kilométrage.
Au final, c'est tout le problème des statistiques: on a vite fait de faire de grosses erreurs de raisonnement alors que vu de loin, on a l'impression d'avoir une logique claire comme de l'eau de roche. Jeune, j'étais persuadé que le meilleur moyen de prendre un virage, c'était de commencer la trajectoire à l'intérieur car comme la force centrifuge nous tire vers l'extérieur, il faut se prendre le plus de marge possible au début du virage. C'est assez logique. Puis un jour, j'ai descendu un col en vélo avec un ami. Ce "bobet" commencait ses virages à l'extérieur!!! Débile selon ma logique vu qu'en commencant à l'extérieur et avec une force qui le tire vers l'extérieur, ca ne pouvait que se terminer encastré dans la voiture d'en face. Sauf qu'en pratique, il est arrivé 5 mn avant moi en bas du col. La réalité, c'est que mon raisonnement était juste, mais qu'il y a un autre facteur, plus important, qui est que l'importance de la force dépend grandement du rayon de la courbe. Et donc ce que je gagnais en avance de glisse, je le perdais 10 fois sur le rayon de courbure et donc au final, avec une bonne idée de départ, je faisais exactement le contraire de ce qui fonctionne. Ainsi, ca peut sembler être une bonne idée de baisser la vitesse et d'augmenter les contrôles pour réduire la sinistralité sur les routes. Ca peut fonctionner ... ou pas. Et le seul moyen de le savoir c'est de faire des stats sérieuses et pas orientées dans le but de démontrer à la population qu'on avait bien raison de faire ce qu'on a fait. Typiquement, le fait que l'inattention devienne une cause significativement plus importante d'accident que la vitesse ou l'ivresse est un indice d'un problème de sélection adverse: on a peut être créé plus d'accidents par inattention que ce qu'on a réduit les accidents par baisse de la vitesse moyenne. Problème, avec 20 cas, ca sera statistiquement impossible d'aller plus loin, il faurait une population plus importante pour pouvoir dire quoi que ce soit...